BIOGRAPHIE
“J’ai vingt ans et soixante ans d’expérience”
BIOGRAPHIE
“J’ai vingt ans et soixante ans d’expérience”.
C’est avec ces mots que Negede a célébré ses quatre-vingts printemps en octobre 2023. Ces soixante anées d’expérience sont profondément marqués par un engagement politique en faveur de la justice sociale, du respect des droits humains, de l’indépendance nationale, du pluralisme politique et de l’établissement d’un système démocratique où les populations d’Ethiopie vivent dans le respect, l’égalité et la fraternité.
Une jeunesse bercée par la poésie
Et pourtant, dans sa jeunesse, Negede s’orientait davantage vers la poésie. À l’âge de 11 ans, il a écrit son premier poème, intitulé “Bon retour au pays Empereur Haile Selassie”, en homage au retour de l’empreur après une visite officielle aux États-Unis. Ce poeme a été publié en 1954 dans le journal national, Addis Zemen en mentionnant qu’il venait « d’un jeune de 11 ans de la ville de Dessie” sans indiquer son nom en tant que auteur.
De même, il ne se passionait pas encore pour la politique lorsqu’il étudiait les sciences économiques au University College d’Addis Abeba. A cette époque, les étudiants étaient critiques par rapport au régime d’Haile Selassié et dénonçaient les inégalités, la pauvreté, etc. Contrairement à ses camarades, Negede, a chosi de participer au concours annuel de poésie de l’University College avec un poème satirique intitulé « Agul Bota Ameshche ». Ce poème mettait en scène un vieux père conservateur confronté à la jeunesse moderne. Il a remporté le premier prix en 1955.
Éveil Politique
Son éveil politique est venu plus tard, après son arrivée à Aix-en-Provence, en France, où il poursuivait ses études supérieures. Ses interactions avec des étudiants français l’ont progressivement familiariseé avec le marxisme et plus spécifiquement avec le trotskisme.
L’engagement de Negede pour la cause de son pays a commencé lorsqu’il a rejoint l’Union des Etudiants Ethiopiens en Europe (UEEE). Créée en 1960 avec le sotien de l’Empereur Haile Selassié pour les étudiants boursiers en Europe, cette organisation réformiste avait pour de réunir les étudiants pour des échanges sur leurs expériences respectives en vue de contribuer au développement du pays à leur retour.
Cependant, l’UEEE a évolué en adoptant une orientation marxiste et a entamant un combat contre le féodalisme, la monarchie et l’impérialisme. En 1964, la rupture entre l’empereur et les étudiants était consommée. A partir de ce moment que Negede a commencé à s’impliquer dans les activités de l’UEEE, progressivement des postes de responsabilité:
- Décembre 1966-1967: Président de l’Union des Etudiants Ethiopiens en France
- Août 1968-1971: Membre du comité de rédaction de la revue de l’Union des Etudiants Ethiopiens en Europe (UEEE)
- Août 1970-1971: Président de l’UEEE
- En 1968: Co-fondateur du mouvement socialiste pan-éthiopien (Me’isone) à Hambourg.
Rôle dans la Révolution Éthiopienne
En 1974, la révolution éthiopienne éclate et le gouvernement militaire provisoire de l’Éthiopie socialiste (le Derg) prend le pouvoir. Comme la plupart de ses camarades, Negede retourne au pays pour participer au changement. Me’isone adopte alors une politique de soutien critique au régime militaire afin de faire avancer les revendications de la population. Le slogan “La terre à celui qui la travaille”, défendu par des étudiants éthiopiens devient une réalité avec la proclamation de la réforme agraire en 1975 par le Derg. Me’isone mobilise toutes ses forces à la mise en œuvre de cette réforme importante.
Entre avril 1976 et août 1977, la coopération entre Me’isone et Derg se formalise avec la proclamation du Programme de la Révolution Nationale Démocratique. Pour l’appliquer, le Bureau Provisoire pour l’Organisation du Peuple (POMOA) est créé. Negede devient membre du POMOA et rédacteur en chef de son journal bimensuel Abyotawit Ethiopia. Il est également chargé de rédiger une Déclaration des droits démocratiques que le Derg refuse de publier.
Ce refus est devenu un des sujets de dissension entre le Derg et Me’isone ce qui provoque une rupture et le retrait du soutien critique de ce dernier en août 1977. Dans les mois qui suivent, la repression s’intensifie. Assassinats politiques, exécutions sommaires, arrestations arbitraires frappent et s’amplifient à l’encontre de Me’isone et d’autres forces progressistes. Negede alors à l’étranger, fait partie des rares survivants de cette génération, morts pour les idéaux de la justice sociale, du respect des droits, des libertés démocratiques et de vivre ensemble dans l’égalité.
Profondément marqué, par la perte de ses camarades, il exprime sa douleur à travers la poésie dont il a retrouvé sa passion. En 1978, il compose un poème, intitulé “Bey Beiré” qui signifie littéralement : “Parle ma plume ; dis la vérité ; n’aie pas peur ; dénonce les traîtres ; mais reste fidèle aux principes ; reste ferme pour dire la vérité… ”
Activitées en Exile
Exilé en France, Negede multiplie les initiatives depuis 1977 :
- En 1979, il crée le Comité de Solidarité avec les Victimes de la Répression en Éthiopie (COSETH) qui deviendra plus tard le Comité de Solidarité avec l’Ethiopie ;
- En 1990, il fonde le Groupe de Recherche et d’Action pour la Paix en Ethiopie et dans la Corne de l’Afrique (GRAPECA) qui promeut la paix, la démocratie et le respect des droits humains.
Sous l’égide de GRAPECA trois conférences majeures sont organisées, rassemblant les intellectuels et organisations politiques éthiopiennes pour formuler une transition démocratique :
- En 1991, la première conférence portait sur le problème de la transition – de la guerre à la paix et de la dictature à la démocratie.
- En 1993, soutenue par l’Union européenne et les Etats Unies, la deuxième s’est interessée aux questions de la paix et la réconciliation nationale qui a débouché par la tenue d’une grande conférence sur le même sujet à Addis Abeba,
- En 1998, la troisième a essayé à nouveau de rassembler des organisations politiques d’opposition éthiopiennes pour relancer le dialogue en vue d’une approche commune de transition démocratique.
GRAPECA a également contribué à promouvoir une culture de la paix en créant des radios indépendantes comme Radio Selam (Radio pour la Paix) et de Keste Damena Radio (Radio Arc en Ciel). Emettant de l’extérieur ces radios sensibilisaient les auditeurs à des thèmes comme les droits humains, la démocratie, la paix et l’éducation civiques. Elles ont contribué à casser le monopole d’état sur les médias.
Un Homme aux Multiples Passions
La vie de Negede ne se résume pas seulement à la politique. Grand amateur de musique , il joue du Kirar (guitare traditionnelle) et de l’harmonica. Il se passione également pour la collecte de paroles de chansons traditionnelles, souvent remplies de jeux de mots et de double sens. Il possède une collection d’environ mille parole de chansons.
Negede est aussi reconnu pour son esprit vif et sa repartie. Ses répliques vives et spontanées portent ses interlocuteurs à rire aux éclats. Une anecdote, parmi tant d’autres, illustre cet aspect de sa personnalité: lors de la soutenance de sa thèse de doctorat en droit, en 1974 portant sur une étude comparative des constitutions de l’Empire d’Ethiopie et la République de Tanzanie, le président de jury lui fait remarquer: « Vous parlez comme si ces dirigeants politiques sont toujours en vie alors qu’ils sont tous exécutés depuis un mois ». En effet, en novembre 1974, plus de 60 personnalités de l’ancien régime étaient exécutées par le régime militaire. Dans la thèse qu’il défendait, Negede parle de ces personnalités sans parler de leur exécution. Il répond alors au président « Écoutez, professeur, je présente une thèse et pas un journal quotidien ».
A travers ses écrits, ses interviews et ses prises de position, Negede nous fait voyager dans le temps, dans l’histoire politique de l’Ethiopie et de ses dirigeants successifs et de ses évolutions mais aussi de ses passions personnelles et de ses engagements.
La famille
juillet 2025
Ligne du temps
Né le 15 octobre 1943 dans la ville de Dessie
Son père, M. Gobezie Taffete, était le Directeur du ministère de l’Éducation pour le nord de l’Éthiopie : Wello, Tigray et Begemder. Sa mère, Mme Belaynesh Ejigu, était infirmière. Ils se sont rencontrés à l’hôpital Reine Zewditu à Addis-Abeba où elle travaillait. A l’époque son père était traducteur. Ils se sont mariés et ont eu neuf enfants. Negede est le troisième enfant de la famille.
L’objectif de toute une vie de M. Gobezie était de diffuser l’éducation à travers du pays. A cet égard, Ato Gobezie a présenté au Roi et au ministère de l’Éducation une étude sur l’alphabétisation. Ses idées ont été soutenues et il a été nommé directeur de l’alphabétisation en 1951. Tout la famille a alors déménagé de Dessié à Addis-Abeba.
L’éducation de ses enfants avait une importance telle qu’il avait engagé, pour chaque période de vacances scolaires, des tuteurs. Afin de motiver ses enfants à améliorer leurs compétences en anglais, il leur avait également demandé de parler en anglais à la maison. L’un des enfants a réagi en disant « il va y avoir un silence total dans cette maison ».
À Dessie, il a fréquenté l’école Woizero Sihine. Avant de terminer ses études primaires, l’école Memhir Akale Wolde a ouvert. Comme il n’y avait pas assez d’élèves pour la 8e année, certains élèves de l’école Woizero Sihine ont été invités à poursuivre leur scolarité dans cette nouvelle école. Ces élèves ont donc sauté la 7e année pour s’inscrire en 8e année à l’école Memhir Akale Wolde. Negede était l’un d’entre eux.
Il a rejoint le Lycée General Wingate à Addis-Abeba. Il n’avait que 13 ans à l’époque. Il était de coutume que les Lycéens se rendent au palais le jour de Noël pour recevoir un cadeau de l’Empereur Haile Selassié. Lorsque ce fut le tour de Negede de recevoir le cadeau, l’Empereur fut surpris par son jeune âge et lui demanda « qu’est-ce que tu fais ici ? ». Negede a répondu: « Votre Majesté, je suis venu à l’école secondaire après avoir terminé mes études primaires ».
- Il est arrivé en France en 1964 avec une bourse du gouvernement français. En plus, les étudiants éthiopiens recevaient des bourses mensuelles du gouvernement éthiopien, ce qui rendait leur niveau de vie meilleur que celui des autres étudiants africains.
- Il a d’abord passé un an à étudier le français.
- L’année suivante, il s’est inscrit à la faculté de droit. Il a terminé son cursus universitaire en 1974 avec l’obtention d’un Doctorat en droit constitutionnel.
- Avant son arrivé en France, il a travaillé au ministère des Finances en Éthiopie pour une période de trois mois après avoir obtenu son diplôme de l’University College d’Addis-Abeba.
- Il a travaillé à la Bibliothèque Universitaire d’Aix-en-Provence.
- Il a enseigné à l’Institute for American Universities où les étudiants américains de troisième année suivaient leurs études universitaires en parallèle des cours de français. Il donnait un cours sur les Institutions Politiques Africaines. Dans la province d’Aix-en-Provence, à cette époque, les gens se réunissaient souvent dans des cafés pour des réunions et d’autres activités. Negede enseignait dans le café, en payant la consommation de ses élèves.
- En 1965, après le congrès de l’Union des Étudiants Ethiopiens en Europe (ESUE) à Vienne, en Autriche, sa participation aux activités politiques a augmenté.
- Entre 1968 et 1971, il est membre du comité de rédaction de l’ESUE.
- En 1971, il est président du comité de rédaction de l’ESUE.
- Entre 1970 et 1971, il est président de l’ESUE et en même temps président de l’Union Mondiale des Étudiants Ethiopiens, regroupant les associations d’étudiants d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et du Moyen-Orient jusqu’en juin 1972.
- En 1968 , il est un des cofondateurs du mouvement socialiste pan-éthiopien (Me’isone) à Hambourg, en 1968.
- Juin 1975 - août 1977 : Fondateur de la Maison d’Edition Internationale et président de l’organisation.
- Décembre 1975 - août 1977 : Il est membre du Bureau Provisoire pour les Affaires Organisationnelles de Masse (POMOA) - créé pour aider à organiser les forces populaires (paysans, ouvriers, citadins, jeunes et associations de femmes) - pour coordonner le cours de la révolution.
- Parmi les activités qu’il a menées dans ce cadre :
- A participé à la création de l’Ecole Politique Yekatit 66
- A été rédacteur en chef de « Abyotawit Ethiopia », magazine bimensuel.
- A participé à la création de l’Union des Organisations Marxistes-Léninistes Ethiopiennes. Pendant un certain temps, il a été Secrétaire du Groupe.
- 1977, lorsque Me’isone rompt avec le DERGUE, Negede est à Lausanne (Suisse) où il s’était rendu pour participer au 17ème congrès annuel de l’ESUE.
Suivant les instructions des dirigeants de Me’isone, il a été décidé qu’il reste à l’extérieur du pays. Il est devenu représentant de Me’isone à l’étranger. - Entre 1977 et 1978 - Invité par les dirigeants de Cuba et de Yemen, il a séjourné dans ces pays. A la suite des propositions de ces dirigeants d’organiser des discussions entre Me’isone et Mengistu, il s’est rendu à Addis-Abeba et y a séjourné deux mois à l’ambassade de Cuba.
- En 1980, il a créé le Comité de Solidarité avec l’Éthiopie (COSETH) en France.
- En 1990, il a créé et est devenu le Président du Groupe de Recherche et d’Action pour la Paix en Éthiopie et dans la Corne de l’Afrique connu sous son acronyme français (GRAPECA), il a mené les activités suivantes :
- Coordinateur de la conférence sur le thème de la guerre à la paix et de la dictature à la démocratie, juillet 1990, Paris, France.
- Président du Comité de la Coordination pour la Paix et Réconciliation Nationale qui a organisé la conférence d’Addis-Abeba en décembre 1993.
- Coordinateur de la conférence des partis politiques en vue de la mise en place d’une plate-forme commune en 1998.
- Rédacteur en chef de la revue Addis Digest préparée par GRAPECA (1995-97).
- Fondateur et Directeur de Radio Selam en 1997.
- Fondateur et Directeur de Radio Keste Damena de 1997 à 2002.
- Membre de la Coalition des Organisations Démocratiques Ethiopiennes (CODEF-KINIJIT), représentant de Me’isone en 1990.
- Président de l’Union des Organisations d’Opposition Ethiopiennes (Union-ETEPODIH) en 1998